La question

02/07/2025

L’océan est-il notre sixième continent ?

Prenons l’exemple de Tuvalu, un pays du Pacifique où un habitant sur trois a demandé un visa climatique pour l’Australie en seulement dix jours. Leur terre disparaît sous les vagues. Selon le dernier rapport du GIEC, près d’un milliard de personnes pourraient vivre dans des zones côtières exposées aux inondations d’ici 2050. La mer montera – de 65 centimètres ou plus d’ici la fin du siècle, avertit la NASA. Ce n’est plus un scénario lointain. C’est une réalité qui se déroule sous nos yeux.

La mer, un espace de possibilités

Face à cela, nous devons aller au-delà de la logique d’urgence. Nous devons commencer à imaginer.

Plutôt que de s’accrocher à un affrontement perdu d’avance contre la nature – en érigeant des murs, en déplaçant des populations, en pleurant des territoires perdus – et si nous choisissions d’embrasser la mer comme un espace de possibilités ? Pourrions-nous transformer les contraintes en opportunités ? Pourrions-nous flotter plutôt que fuir ?

Ce n’est pas un optimisme naïf. Cela est déjà en marche. Des projets comme la Ville Flottante aux Maldives, Oceanix Busan en Corée du Sud, ou encore le Smart Offshore Ecosystem étudié en Polynésie française tracent la voie d’une nouvelle manière de travailler et d’habiter le monde – sur l’eau, et non contre elle.

Ces infrastructures flottantes plurifonctionnelles proposent plus que la survie. Elles imaginent de nouveaux modes de vie – adaptatifs, durables, régénératifs. Elles pourraient accueillir des chercheurs, des réfugiés climatiques, des systèmes alimentaires, des technologies d’énergie propre, et peut-être même des futurs que nous n’avons pas encore su concevoir. La technologie n’est plus le frein. Ce sont la volonté politique, les cadres juridiques et la préparation culturelle qui le sont.

Le rêve de Jules Verne

Cette transformation soulève des questions profondes. Qui gouverne les infrastructures flottantes ? Relèvent-elles du droit national ou international ? Peuvent-elles être souveraines ? Le Professeur de droit maritime, Olivier Lasmoles nous invite à réfléchir aux vides juridiques et aux zones grises que pourraient occuper ces nouvelles géographies. L’économiste Laurent Ferrara nous rappelle que nous entrons dans un monde d’incertitude accrue – et que nos modèles de stabilité doivent évoluer. Le professeur Dennys Eduardo Rossetto, à travers ses travaux sur l’innovation frugale, nous livre un rappel essentiel : l’innovation prospère sous la contrainte, et la créativité pourrait bien être notre meilleur outil de résilience.

Soyons clairs. Il s’agit d’affronter les conséquences du changement climatique – avec audace, créativité et nécessité. C’est un appel à repenser non seulement nos villes, mais notre rapport à la nature elle-même.

Trop longtemps, l’océan a été considéré comme une frontière – à défendre ou à exploiter. Et si, au contraire, il devenait une maison ? Un laboratoire de cohabitation ? Un espace pour réimaginer l’avenir humain ?

La mer monte mais avec elle s’élève aussi une opportunité : celle de réinventer notre avenir.

Il est temps de cesser de se demander si les habitats flottants sont réalistes, et de commencer à se demander comment les rendre équitables, durables et sages. En cela, nous pourrions enfin devenir ce que Jules Verne, Jacques-Yves Cousteau et Jacques Rougerie ont osé imaginer : une civilisation en véritable symbiose avec la mer.

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