Pourquoi la Chine se positionne comme le nouveau médiateur international

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Chaque mois, Frédéric Munier, le directeur de l’École de géopolitique de SKEMA Business School publie une chronique dans le magazine Pour l’Éco. Il s’intéresse aujourd’hui à la Chine : plan de paix entre l’Ukraine et la Russie, médiation entre l’Iran et l’Arabie saoudite ou entre Israël et le Hamas, l’Etat de Xi Jinping se présente aujourd’hui comme un faiseur de paix. Que signifie vraiment cette nouvelle posture ?

Le 10 mars 2023 a retenti un double coup de tonnerre diplomatique. D’une part, l’Iran et l’Arabie saoudite annonçaient la normalisation de leurs relations diplomatiques après sept ans de rupture. D’autre part, l’artisan de ce rapprochement n’était autre que la Chine, en la personne de Wang Yi, le directeur du bureau de la Commission des affaires étrangères. Jamais la Chine, géant économique, n’avait joué le rôle de médiateur international.

D’un point de vue stratégique, c’est un coup de maître. En rapprochant les frères ennemis du Golfe persique, la Chine cherche à démontrer qu’elle peut réussir à rétablir l’équilibre dans l’une des zones les plus chaudes du globe, là où les États-Unis ont échoué. Elle s’assure au passage le soutien de deux importants fournisseurs d’hydrocarbures.

« Les vertus des “solutions et de la sagesse chinoises” »

Enfin, elle enfonce un coin dans l’alliance entre Riyad et Washington, qui avait été scellée en 1945 par le pacte du Quincy. À n’en pas douter, il s’agit d’un revers majeur pour les États-Unis, mais aussi pour Israël, pour qui l’alliance entre sunnites et chiites est un cauchemar…

L’activisme chinois ne s’arrête pas là puisque, fin février au lendemain d’une visite du même Wang Yi à Moscou, la Chine avait proposé une « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Une antienne répétée par Xi Jinping lors de son déplacement fin mars à Moscou où il a vanté « les vertus des ‘solutions et de la sagesse chinoises’ pour résoudre les plus grands défis de la planète en matière de sécurité ». Ces coups diplomatiques alimentent évidemment le narratif selon lequel la Chine serait tout le contraire des États-Unis : une puissance tournée vers l’établissement d’un ordre mondial pacifique et multilatéral où les Grands – comprenez Washington – n’imposeraient pas leur volonté aux petits.

Comment interpréter cette nouvelle posture chinoise ? Certainement comme un triple mouvement tectonique. D’abord, elle témoigne d’un réel affaiblissement américain après des décennies d’ingérence houleuse, coûteuse et instable car changeante au grès des présidences. En outre, le rapprochement avec la Russie, l’adhésion conjointe de l’Iran et l’Arabie saoudite aux BRICS signifient que Pékin consolide un bloc dont le ciment est le rejet de l’Occident. Enfin, tout indique que la Chine a définitivement rompu avec l’idée d’une puissance économiquement mondiale mais politiquement régionale ; devenir la première puissance du monde en 2049, comme le proclame Xi Jinping, signifie prendre la main sur des dossiers et des espaces jusque-là réservés aux États-Unis. Dès 2013 d’ailleurs, la Chine appelait à « envisager la construction d’un monde désaméricanisé ». L’image d’une Chine pacificatrice ne serait-elle alors que l’autre visage d’un basculement de la puissance de l’Occident vers l’Orient ?


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Duyen Le

2 articles

Etudiante du MSc Project Management for Business Development à SKEMA Business School.

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