La question
05/11/2025
Y a-t-il des raisons de croire en la COP 30 au Brésil ?
Vous allez suivre la COP sans espoir. Et je vous comprends. Mais depuis Belo Horizonte, j’ai trouvé trois raisons de penser que celle-ci pourrait être différente des autres.
30 ans. Cela fait 30 ans, depuis la COP 1 de 1995 à Berlin, que les Nations unies se réunissent pour faire face au dérèglement climatique. Un chiffre rond qui pose naturellement une question : combien en faudra-t-il encore ? Cette question en dit long. Sur les espoirs placés dans les COP, mais peut-être surtout sur les déceptions qu’elles ont pu engendrer. Les COP devraient permettre de construire cette gouvernance mondiale où chaque État et la société civile assument leurs responsabilités et font voter les règles identifiées comme vitales pour la planète. Mais comment y croire quand le président de la première économie mondiale, dont le premier geste une fois élu a été de sortir son pays des accords de Paris, renouvelle moins de deux mois avant le début de la COP son hostilité envers cette ambition ? Donald Trump l’a martelé à la tribune des Nations unies, le 23 septembre dernier : pour lui, le changement climatique est « la plus grande arnaque jamais menée contre le monde » et le concept d’empreinte carbone est « une supercherie inventée par des gens aux intentions malveillantes ».

Seulement voilà, cette COP n’est peut-être pas n’importe quelle COP. Elle a lieu au Brésil et ce simple fait donne au moins trois bonnes raisons de croire qu’elle pourrait laisser un héritage.
1. Elle a lieu aux portes de l’Amazonie
Sa localisation est d’une portée extrêmement symbolique. Le choix de Belém concentre l’attention sur l’importance de l’Amazonie dans la crise climatique et consacre l’idée du multilatéralisme. La forêt s’étend, en effet, sur neuf pays représentant environ 5,5 millions de kilomètres carrés où vivent un peu plus de 30 millions d’habitants, dont environ 25 millions au Brésil.
C’est sans doute pour cela que les autorités brésiliennes ont résisté aux pressions pour délocaliser – au moins en partie – la COP 30 de la capitale du Para, dans plusieurs capitales dont Rio, São Paulo et bien sûr Brasilia. Les organisateurs s’appuient sur des ressources locales avec les quelques hôtels de Belém capables de recevoir une clientèle internationale, mais aussi sur la capacité de la population locale à ouvrir de nombreuses chambres d’hôtes. En plus de cela, plusieurs paquebots mouilleront dans le port de Belém pour héberger des visiteurs étrangers, option qui a ses détracteurs comme on peut l’imaginer ! Peut-on parler d’innovation frugale ?
2. Les Brésiliens se mobilisent
L’animation qui règne au Brésil autour de cette COP prouve que le débat est vivant : non, la société ne détourne pas les yeux. A l’image de la vie politique très polarisée du Brésil, la COP 30 à Belém a ses militants et ses détracteurs.
L’organisation de la COP30 a été critiquée pour ses défaillances organisationnelles qui compromettent la participation des populations traditionnelles et autochtones de l’Amazonie, faisant courir le risque à la conférence de devenir l’une des plus exclusives et chaotiques de l’histoire.
La puissance invitante qu’est le Brésil reçoit également des critiques concernant les lacunes de la gouvernance climatique interne du Brésil, notamment pour le décalage entre les ambitions diplomatiques du pays et les problèmes réels de Belém et de la région amazonienne.
L’Amazonie, poumon vert de la planète, est au cœur des débats, et les sujets ne manquent pas : exploitations agricoles intensives ou exploitations minières et contrebandes en tout genre. L’extraction de minéraux essentiels à la transition énergétique, intensifiée par la demande en technologies propres, a des impacts environnementaux graves, au Brésil (déforestation, émissions de CO2…), et a été un sujet négligé lors des COP précédentes. La volonté politique a manqué ces dernières années, mais l’on peut penser que le gouvernement de Lula y manifeste plus d’intérêt. La pression populaire contribue à faire bouger les lignes : Lula vient d’annoncer l’investissement d’un milliard de dollars au Fonds Tropical Forest Forever Facility (TFFF) à la tribune des Nations unies. Cet engagement est exemplaire pour les pays des BRICs élargis. Quoi qu’il en soit, l’Amazonie est toujours défendue comme un territoire national, pas comme un bien commun de l’humanité.
Les rencontres que je peux faire au sein des réseaux professionnels brésiliens et français au Brésil – comme les Conseillers du Commerce extérieur de la France (CCEF) au Brésil ou la Chambre de commerce France-Brésil me permettent toutefois d’observer l’importance du sujet dans les stratégies de développement : des occasions naissent pour développer une nouvelle économie. C’est particulièrement vrai au Brésil où la matrice énergétique est très vertueuse et où la richesse de la biodiversité est source d’opportunités pour qui sait l’identifier.
3. Le combat de la science et de l’éducation
Aucun pays n’utilise davantage WhatsApp que le Brésil. Et les fake news climatosceptiques circulent donc facilement. D’où l’importance du rôle que l’éducation doit y jouer. Un accès plus large aux études supérieures est nécessaire pour diffuser et faire reconnaître les avancées scientifiques. La société civile – les entreprises et les ONG en tête – s’en mêle et souhaite s’engager dans des approches responsables qui seront présentes à la COP30. À nous de jouer notre partition pour accompagner nos étudiants et les entreprises dans cette voie. SKEMA et son campus de Belo Horizonte s’engagent dans le développement de nouvelles compétences. Nous présenterons un programme d’une semaine dans l’État d’Amazonie à la croisée des chemins des mondes scientifiques et entrepreneuriaux. Notre objectif est de faire prendre conscience des opportunités existantes pour développer une économie qui repose sur la biodiversité, au service des communautés indigènes et, par extension, de la société en général.
Pour creuser cette réflexion, je vous propose de faire une pause, et d’écouter trois podcasts que j’ai sélectionnés pour vous :
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