Pourquoi on fait la guerre

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Chaque mois, Frédéric Munier, le directeur de l’École de géopolitique de SKEMA Business School publie une chronique dans le magazine Pour l’Éco. Cette fois, il s’intéresse aux racines de la guerre et invoque le politologue Kenneth Waltz, selon qui le système international est « anarchique », sans instance mondiale armée au-dessus des États. Le conflit, menant parfois à la guerre, est donc inévitable.

On a parfois tendance à l’oublier : la guerre n’a jamais cessé. Le « retour de la guerre » est à vrai dire une formule d’Européen. En 2023, on a dénombré pas moins de huit conflits majeurs, c’est-à-dire des affrontements armés ayant fait plus de 1 000 morts. Outre l’Ukraine et Gaza, citons notamment le cas du Burkina Faso, du Myanmar, du Nigeria, de la Somalie, du Soudan, de la Syrie et du Yémen.

Depuis le début du siècle, le nombre de guerres a d’ailleurs augmenté, tandis que les décès liés aux combats ont quadruplé. La seule guerre du Tigré (2020-2022), en Éthiopie, aurait fait entre 300 000 et 600 000 morts… Quant à l’année 2022, elle avait été la plus sanglante depuis le génocide du Rwanda, en 1994, avec près de 240 000 morts.


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De la guerre de Troie à nos jours, les guerres ont scandé l’Histoire. Pour comprendre ce phénomène profondément inscrit dans l’histoire humaine, il est de coutume d’invoquer Clausewitz, ce général prussien auteur de De la guerre (1832), ouvrage dans lequel il la définissait comme « un acte de violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté », ajoutant cette formule devenue célèbre : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. »

Les origines de la guerre

Il a toutefois fallu attendre le milieu du XXe siècle pour disposer d’un cadre conceptuel permettant de mieux saisir les causes des guerres. En 1959, Kenneth Waltz (1924-2013), politologue et professeur à Columbia University, livre une analyse magistrale de la guerre dans son ouvrage Man, the State, and War. Il y propose une analyse de l’origine des conflits en distinguant trois niveaux. Le premier est anthropologique, il tient à la nature humaine : les hommes font la guerre pour la gloire, par peur ou par avidité comme le notait déjà Thucydide dans son Histoire des guerres du Péloponnèse. Le deuxième niveau est politique, il tient à la nature des États dont certains sont plus enclins que d’autres à être bellicistes car ils considèrent la violence comme légitime – pensons à la Russie aujourd’hui. Enfin, le troisième niveau, celui que Waltz estime être le plus pertinent d’un point de vue explicatif est systémique. Il tient à la nature même du système international qui est « anarchique ». Comprenons par là qu’il n’existe aucune instance mondiale au-dessus des États disposant d’une armée, d’une police, bref ayant le monopole de la puissance sur terre. En l’absence de ce type de pouvoir (c’est la définition littérale de l’ « an-archie ») et de véritable communauté internationale note Waltz, « le conflit, menant parfois à la guerre, est inévitable ». Vu sous cet angle, on comprend que les conflits, aussi violents et dramatiques soient-ils, aient un bel avenir devant eux…


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Céline Renucci

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Directrice du programme Master of Science Corporate Financial Management, SKEMA Business School

Carole Daniel

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Professeure et chercheuse à SKEMA Business School, Académie Globalisation, membre du SKEMA Centre for Sustainability Studies

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