Youth Talks : ce que pensent (vraiment) les jeunes du monde entier

Youth Talks : ce que pensent (vraiment) les jeunes du monde entier

Les jeunes du monde entier pensent-ils tous la même chose ? Grâce à Youth Talks, on sait que non. La Fondation Higher Education for Good (HE4G) est parvenue à recueillir près d’un million de contributions de plus de 46 000 jeunes dans 212 pays et territoires grâce à une enquête qualitative d’un genre nouveau, appuyée par l’IA.

Les jeunesses du monde entier ont un rôle à jouer face aux enjeux majeurs auxquels nos sociétés doivent faire face, du changement climatique aux inégalités croissantes, en passant par l’effondrement de la biodiversité et l’instabilité politique. Pourtant, 76 % des jeunes leaders de demain pensent que la génération plus âgée ignore leurs intérêts vitaux, et 50 % des dirigeants séniors partagent cet avis.

Si nous souhaitons, ensemble, bâtir un futur plus juste et durable, il devient essentiel de comprendre quelles sont les aspirations des jeunes générations, leurs craintes et leurs espoirs.

Dans cette optique, des initiatives nationales ou internationales, publiques ou privées, ont cherché à mieux comprendre ces jeunesses à travers différentes enquêtes. On peut citer celles de The Conversation, de l’Institut Montaigne, du Parlement européen, du World Economic Forum, de Deloitte, de l’Unesco… Ces études permettent souvent un éclairage nouveau sur différents enjeux, et la robustesse de leurs résultats repose sur la participation d’un grand nombre de personnes (entre 1000 et 27000) mais les réponses des participants s’appuient sur un cadre prédéfini puisqu’ils et elles ne peuvent souvent sélectionner qu’un choix parmi une série de propositions, et/ou donner leur avis via des échelles graduées (appelées échelles Likert, du type « Pas du tout d’accord » – « Tout à fait d’accord »).

Pour capter la parole de cette génération dans toutes ses nuances et sa complexité, l’étude Youth Talks a adopté une autre démarche avec l’utilisation de technologies avancées reposant sur l’IA. Cette initiative à l’échelle mondiale permet de faire ressortir toute la richesse et la diversité de leurs perspectives.

Renouveler les enquêtes qualitatives sur la jeunesse avec l’IA

Youth Talks, projet de la Fondation Higher Education for Good (HE4G), regroupe plus de 55 partenaires, dont les Principles for Responsible Management Education (PRME) des Nations unies et le Club de Rome (à l’origine du fameux rapport Meadows – Les limites à la croissance), ainsi que des universités de premier plan, des organisations mondiales de jeunesse et des institutions politiques. Près de 2 300 jeunes ambassadeurs et ambassadrices de toutes les régions du monde soutiennent et promeuvent activement le projet dans leurs communautés.

Grâce à ces multiples collaborations, la première édition de cette consultation a reçu près d’un million de contributions de plus de 46 000 jeunes dans 212 pays et territoires, sous différents formats d’expression (texte, images, bandes sonores ou vidéos), ce qui en fait aujourd’hui la plus grande consultation mondiale des jeunesses (15-29 ans) reposant sur des questions ouvertes. Également, pour donner voix, corps et visages à ces multiples jeunesses, une série de 80 entrevues a été réalisée dans le monde entier.

Carte des participants. Etude Youth Talks, Fourni par l’auteur

L’obtention de ce type de données, à cette échelle, représente un défi certain, qui ne peut être relevé par une approche traditionnelle de recherche qualitative. Une plateforme d’intelligence collective massive spécialement dédiée a été développée, et a su affronter trois enjeux majeurs :

  • s’assurer que les multiples fonctions restent simples et accessibles pour favoriser l’inclusion ;
  • gérer un très grand nombre de connexions simultanées ;
  • gérer les multiples caractères linguistiques (latin, chinois, arabes).

Mais la réelle innovation se situe dans l’analyse des données, qui ne peut, elle non plus, reposer sur des méthodes traditionnelles. Ainsi, de nombreux algorithmes d’intelligence artificielle permettant le traitement automatique du langage naturel (Natural Language Processing – NLP), la reconnaissance d’image, la conversion de données audio en texte, et l’analyse sémantique ont permis l’identification de différents thèmes et sous-thèmes. Cette analyse a été encadrée et finalisée par une équipe d’experts.

Finalement, la consultation utilise un échantillonnage dit de commodité : c’est l’accessibilité, la capacité et la volonté des personnes qui ont permis leur participation. Différentes analyses statistiques, pilotées par un comité scientifique dédié, ont toutefois permis de valider la représentativité de cet échantillon. Cela procure un certain degré de confiance dans le fait que les idées et les tendances révélées par cette consultation ne sont pas de simples artefacts d’un groupe de participants autosélectionnés, mais reflètent un sentiment plus large parmi les jeunesses mondiales.

Diversité et tensions : les résultats clés de Youth Talks

Les résultats, accessibles en ligne, donnent un aperçu des aspirations et des craintes des jeunesses du monde. L’un des thèmes dominants mis en évidence par Youth Talks est l’importance que les jeunes accordent à la compréhension et à l’apprentissage des valeurs humaines (respect, solidarité, ouverture d’esprit, empathie). Ils et elles souhaitent que cet apprentissage soit au cœur de l’éducation, ce qui reste très éloigné des pratiques actuelles. Les jeunesses du monde mettent les éducateurs d’aujourd’hui au défi de transformer ce qu’ils enseignent, de se concentrer sur la nécessité de réapprendre à vivre ensemble et d’interagir harmonieusement les uns avec les autres.

Pour construire ce futur désirable, ce que nous devons tous apprendre à l’école est…. Etude Youth Talks, Fourni par l’auteur

Lorsqu’il leur est demandé ce qu’ils et elles souhaitaient pour le monde de demain, la priorité des jeunes, où qu’ils soient ou presque, est la paix. La protection environnementale vient après, surtout dans certaines régions du monde comme l’Afrique et l’Amérique du Sud. Les jeunes souhaitent moins de guerres, moins de violence et plus d’harmonie. Lorsqu’on leur demande, en miroir, ce qui les inquiète le plus à propos de l’avenir du monde, la guerre et les conflits armés arrivent également en tête, juste derrière la détérioration de l’environnement.

Quand je pense au futur, ce que je souhaite pour le monde…. Etude Youth Talks, Fourni par l’auteur

Un clivage clair et significatif entre les jeunes occidentaux et leurs homologues du reste du monde sur certaines questions clés a également été mis en évidence. Les jeunes occidentaux semblent plus ancrés dans des préoccupations matérielles, tandis que ceux du reste du monde semblent animés par la crainte de rêves non réalisés et d’aspirations non satisfaites. Leur situation financière est la principale préoccupation des jeunes occidentaux : environ 30 % d’entre eux l’ont mentionnée comme leur priorité, contre seulement 10 % des autres participants.

Un appel aux chercheurs du monde entier

Bien que les jeunes semblent prêts à faire beaucoup de sacrifices pour que la société progresse dans la direction qu’ils et elles souhaitent, Youth Talks a révélé d’importantes disparités quant à l’ampleur et à la nature des sacrifices qu’ils et elles sont prêts à consentir. Les jeunes occidentaux semblent moins disposés à renoncer au confort matériel pour permettre un progrès social plus large : 25 % d’entre eux l’ont mentionné comme quelque chose qu’ils n’étaient pas prêts à abandonner, contre moins de 5 % des participants ailleurs dans le monde, qui eux craignent davantage de devoir renoncer à leurs ambitions, à leur identité ou à leur famille et à leurs proches.


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Par ailleurs, en Europe, si 40 % des participants se disent prêts à réduire leur consommation matérielle, 28 % résistent fermement à l’idée d’un tel sacrifice. Ces tensions au sein de nos sociétés sont importantes et ne peuvent être ignorées par les décideurs.

Bien sûr, ces quelques enseignements ne sont qu’un simple aperçu de la richesse des résultats de Youth Talks. En faire pleinement sens requiert prudence et humilité, et nécessite une approche scientifique multidisciplinaire. Nous lançons donc un appel aux chercheurs et chercheuses du monde entier pour qu’ils et elles puissent tirer le meilleur parti de l’opportunité unique que représente la richesse des données qui ont été collectées afin qu’ils et elles contribuent, par leurs travaux, à construire un avenir qui réponde aux attentes des jeunes d’aujourd’hui.


Kristy Anamoutou, CPO & COO du partenaire technique du projet Youth Talks, Bluenove, a participé à l’écriture de cet article.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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