Les conflits sur le lieu de travail sont souvent invisibles. Mais ils ont un impact majeur sur le moral et l’efficacité des employés, et donc sur l’entreprise. L’approche psychologique que nous avons choisie pour lutter contre ce fléau, présent dans chaque entreprise, nous aide à mieux appréhender ses causes et à identifier des solutions pour y faire face.
Émotions à fleur de peau, échanges houleux et réunions tendues – bienvenue dans l’univers des conflits en entreprise ! Des petits désaccords aux conflits majeurs, toute tension entre collègues ou avec ses supérieurs est considérée comme un conflit au travail.
Comme le note Chris Honeyman (2013), un spécialiste du sujet, il ne s’agit pas seulement de conflits liés au travail ; des tensions peuvent également se produire entre salariés sans que l’employeur soit directement impliqué. Après les heures de travail, le bureau peut se transformer en champ de bataille. Nous avois choisi de nous intéresser aux dimensions psychologiques des conflits en entreprise.
Le sabotage discret du travail d’équipe
Dans le monde du travail d’aujourd’hui, il est fréquent de voir des employés et des superviseurs se livrer à une forme d’hostilité passive-agressive qui peut ravager une dynamique d’équipe. Ce comportement insidieux peut compromettre les initiatives, créer un environnement de travail toxique et, en fin de compte, freiner l’innovation. Selon Paula De Angelis (2009), qui explore le sujet dans son ouvrage, les saboteurs ne sont pas toujours ceux auxquels on pense. En réalité, ce sont souvent ceux qui semblent amicaux et serviables en surface qui sont en réalité malhonnêtes et traîtres dans l’ombre. Les répercussions d’une indifférence agressive peuvent être désastreuses, alors qu’en mettant au jour cette menace sournoise, les collègues pourraient prendre des mesures pour se protéger et encourager une culture de confiance et de collaboration.
Les injonctions contradictoires
Dans n’importe quel environnement professionnel, les fonctions et les tâches d’un collaborateur se recoupent et se superposent fréquemment. Parfois ces missions entrent en contradiction les unes avec les autres. Selon SafeWork, cela peut survenir lorsque les individus sont contraints de jongler avec des exigences contradictoires provenant de différentes sources. À titre d’exemple, un salarié peut se voir demander de participer à plusieurs comités prenants, tout en étant pressé d’augmenter son rendement dans son service. Ce type de conflits entre les missions confiées à un collaborateur peut avoir de nombreuses répercussions néfastes, allant de la diminution de la productivité à un stress important et un risque accru de burnout. Il est cependant possible de les prévenir grâce à la mise en place de stratégies : employeurs et employés peuvent travailler ensemble pour favoriser l’harmonie et la réussite au sein de l’entreprise.
Quand Cupidon s’invite au travail
L’amour plane peut-être dans l’air, mais au travail, cela peut aussi être source de (gros) problèmes. Selon la spécialiste du travail, Joanne Lipman (2018), les relations amoureuses au bureau peuvent engendrer des conflits au sein de l’entreprise, notamment si les politiques en la matière sont floues ou mal appliquées. Les employés peuvent se sentir mal à l’aise face à des démonstration d’affection publiques, et les allégations de favoritisme peuvent être destructrices pour la dynamique d’équipe, en particulier lorsque l’un des partenaires est hiérarchiquement supérieur à l’autre. En cas de séparation, la situation peut également mal tourner : l’un des partenaires peut notamment être tenté de prendre sa revanche sur l’autre. Tandis que certaines sociétés interdisent purement et simplement les romances au bureau, d’autres adoptent une approche plus mesurée, reconnaissant que l’amour est une force qui échappe parfois à tout contrôle. En mettant en place des politiques et des directives claires sur les relations professionnelles, les entreprises peuvent toutefois réduire les risques et tirer le meilleur des relations amoureuses sur le lieu de travail.
Des ragots incontrôlés
Rien n’égaye plus une journée de travail qu’une petite rumeur croustillante. Toutefois, comme le souligne le conférencier Galen Emanuele, les effets des commérages sur le lieu de travail peuvent être étendus et destructeurs. Au-delà de la tension évidente qu’ils créent entre collègues, les commérages peuvent nuire à la productivité et au moral, créant ainsi un environnement de travail toxique. Ces échanges malveillants peuvent sembler amusants à court terme, mais détournent finalement l’attention des tâches essentielles. Une perte de temps et de ressources. Pour contrer les effets néfastes des commérages, les entreprises doivent privilégier la communication, la transparence et le renforcement de la confiance au sein des équipes. En promouvant une culture de respect et d’ouverture, elles peuvent contribuer à limiter la tentation des discours néfastes et instaurer un cadre de travail plus positif et productif.
Le point de vue des experts RH et psychologues d’entreprise
Les conflits sur le lieu de travail peuvent avoir un impact significatif sur le moral des employés, la productivité et le succès global de l’entreprise. Pour mieux comprendre les causes, la prévention et les stratégies de résolution de ces conflits, nous avons interrogé des spécialistes des ressources humaines, des psychologues d’entreprise et des experts en ressources humaines. Ils apportent de précieuses perspectives.
- Divergences d’opinions et passerelles de compréhension : les conflits au travail naissent souvent d’opinions divergentes, dues à des différences de personnalité et à un manque d’ouverture d’esprit. Les spécialistes et les experts en RH soulignent la nécessité de cultiver la conscience de l’existence de schémas de pensée différents par le biais de formations et d’ateliers. En s’inspirant de la théorie psychanalytique de Freud sur le Ça, le Moi et le Surmoi, les entreprises peuvent encourager le respect de la diversité et favoriser une compréhension plus profonde, au-delà de la vie professionnelle.
- Conflits d’ego et acceptation de la richesse des perspectives : les conflits alimentés par l’ego surviennent souvent lorsque des individus se disputent pour gagner en influence. Les spécialistes et les experts en RH soulignent l’importance d’adopter des perspectives diverses et de cultiver un état d’esprit ouvert. En favorisant une culture qui valorise et respecte chaque point de vue, les entreprises peuvent dissoudre les tensions liées à l’ego et favoriser un climat de travail collaboratif.
- Gestion inadéquate et leadership renforcé pour le changement : le mauvais management est une source de conflits professionnels souvent négligée. Les experts en RH suggèrent aux entreprises de privilégier les managers ayant les qualités nécessaires pour instaurer un climat de travail harmonieux. Des mesures proactives, telles que des processus de sélection et de formation approfondis, permettent de s’assurer de la nomination de personnes capables de conduire les équipes au succès.
- Conflits de processus et recherche de clarté : les conflits issus de processus de travail défaillants peuvent entraver la productivité. Pour les prévenir et les résoudre, les entreprises doivent établir des procédures formelles et transparentes qui éliminent les chevauchements de tâches. L’optimisation des flux de travail et la transparence renforcée aident à prévenir les malentendus et à encourager une collaboration sans heurts, d’après les experts RH.
- Des conflits mineurs devenus personnels : promouvoir la compréhension et le respect: les incidents mineurs en milieu de travail peuvent se transformer en conflits personnels, faire pleuvoir les injures et encourager les préjugés. Les spécialistes des RH insistent sur l’importance de cultiver une culture de respect et d’empathie. Une communication ouverte et une résolution rapide des problèmes sont des facteurs clés pour éviter que des griefs mineurs ne fassent boule de neige et ne se transforment en différends préjudiciables.
- Absence de directives claires et communication déficiente : d’après les spécialistes des RH que nous avons interrogés, l’absence de directives claires et un manque de communication aggravent les conflits en entreprise. Les RH jouent un rôle essentiel dans la définition des attentes, la mise en place de canaux de communication adaptés et l’assurance que les employés disposent des ressources indispensables à la réalisation de leur travail. Une communication claire aide à prévenir les malentendus et à éviter les conflits.
- Compétences en résolution de conflits et gestion constructive des différends : des compétences en résolution de conflits peuvent être utiles aux managers comme aux autres collaborateurs. Les professionnels des RH peuvent proposer des formations et des ateliers sur la gestion des conflits, pour apprendre aux individus à les dominer de manière constructive. L’écoute active, la recherche d’un terrain d’entente et la quête de solutions gagnant-gagnant sont des compétences clés pour traiter les conflits dès leur apparition et éviter toute escalade.
- La diversité et l’inclusion dans la réduction des conflits : les conflits sur le lieu de travail peuvent découler de malentendus, de préjugés et d’un manque de sensibilisation aux environnements diversifiés et inclusifs. Les experts en RH soulignent l’importance de créer une culture de travail diversifiée et inclusive, de favoriser la compréhension et de promouvoir les compétences culturelles parmi les employés. Ces mesures minimisent les conflits et favorisent la collaboration.
- Traiter les problèmes de performance et de comportement : des conflits peuvent survenir en raison de problèmes de performance ou de comportement. Le département des RH doit mettre des politiques et des procédures en place pour traiter ces conflits, avec des systèmes de gestion des performances, des actions disciplinaires et des programmes de coaching. Une résolution rapide et efficace de ces problèmes permet d’éviter que les conflits aient un impact négatif sur l’ensemble de l’environnement de travail.
- La prévention par la proactivité: la prévention est essentielle pour gérer les conflits sur le lieu de travail. Les RH peuvent adopter des mesures proactives, comme organiser des sondages réguliers auprès des employés, proposer des formations sur la gestion des conflits et appliquer des stratégies de communication efficaces. Identifier rapidement les sources potentielles de conflits et les traiter de manière proactive aide à créer une culture de travail positive qui favorise la collaboration.
Compétences essentielles pour une gestion efficace des conflits sur le lieu de travail
Pour gérer efficacement les conflits au travail, il est nécessaire que les managers comme les employés possèdent certaines compétences fondamentales. L’une des compétences principales est l’empathie, qui englobe l’écoute active, la capacité à comprendre les perspectives et émotions des autres, ainsi que la prise de décisions équitables. Une communication ouverte, qui se distingue par une expression sincère et une écoute attentive, sert de fondement pour bâtir la confiance et régler les différends. Cultiver un esprit ouvert, exempt de biais cognitifs, permet aux individus d’aborder les conflits de manière objective et d’explorer des solutions alternatives.
L’intelligence émotionnelle est cruciale pour identifier et gérer les émotions, favoriser des échanges constructifs, et simplifier la résolution des problèmes. Une compréhension approfondie des théories du management et du leadership confère aux individus les connaissances nécessaires à la résolution des conflits. Grâce à ces nouvelles compétences, managers et employés peuvent ensemble créer un environnement de travail positif qui aborde les conflits de manière productive et harmonieuse.
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Sur le lieu de travail, les conflits peuvent entraîner toute une série de conséquences néfastes qui vont au-delà des simples désaccords. L’effet le plus notable concerne probablement le moral des employés, car l’exposition au stress et aux tensions professionnelles augmente leur vulnérabilité face aux problèmes de santé, qu’ils soient physiques ou mentaux. En conséquence, cela peut conduire à une diminution des performances. Les employés accablés peinent à maintenir leur concentration et leur motivation.
Néanmoins, les retombées des conflits sur le lieu de travail s’étendent bien au-delà du niveau individuel. Ne pas résoudre ces problèmes peut entraîner une augmentation des coûts et une baisse des revenus pour l’entreprise, à mesure que le taux de rotation du personnel augmente et que la satisfaction des clients diminue. Parfois, les conflits peuvent même porter atteinte à la réputation d’une société, la rendant moins séduisante tant pour les investisseurs que pour les clients.
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