DÉCONSTRUIRE LES MYTHES POUR MIEUX ACCOMPAGNER UNE DIVERSITÉ D’ENTREPRENEURES

DÉCONSTRUIRE LES MYTHES POUR MIEUX ACCOMPAGNER UNE DIVERSITÉ D’ENTREPRENEURES

Certaines croyances sur les femmes entrepreneures sont encore largement répandues : elles seraient moins ambitieuses, moins zélées face aux risques, moins tournées vers l’international… Ces affirmations appellent à des nuances. Par ailleurs, notre société a soif d’un entrepreneuriat de croissance, créateur de richesse et générant des « fleurons ». Cette vision de l’entrepreneuriat est trompeuse, car elle ne reflète qu’une infime partie du phénomène entrepreneurial. Afin de s’attaquer aux stéréotypes, les auteures proposent une réflexion critique sur l’entrepreneuriat des femmes, à travers l’exploration de dix mythes liés aux créatrices d’entreprises. Les auteures offrent également des recommandations et pistes d’actions concrètes pour contrer cette tendance aux stéréotypes et reconnaître une plus grande diversité, dans le but ultime d’accompagner de façon plus efficaces les femmes, mais aussi l’ensemble des entrepreneurs.

Dans nos sociétés contemporaines, notamment en France et au Québec, on a parfois l’impression que les enjeux de diversité et d’égalité sont chose du passé, que les problèmes sont réglés, que les femmes, si elles le veulent, peuvent réaliser tous leurs rêves. Elles ont accès à l’éducation et, par le fait même, les portes des différentes professions leur sont ouvertes, tout comme elles le sont pour les hommes. Il en va de même en entrepreneuriat. Les femmes entrepreneures, il est vrai, sont de plus en plus présentes.

Bon nombre d’enquêtes et de sondages dont nous aurons l’occasion de discuter dans cet ouvrage, font état de leur progression dans le monde entrepreneurial.

Des stéréotypes persistants sur les femmes entrepreneures

Si elles sont davantage présentes, ces mêmes études et rapports soulignent souvent le fait que les femmes doivent être plus actives dans les secteurs de pointe (l’innovation et la technologie), qu’elles doivent faire croître davantage leur entreprise, notamment à l’international. Ces constats alimentent un certain nombre de préjugés et de perceptions collectives sur les femmes : les femmes ont moins d’ambition, elles œuvrent dans des secteurs à faible création de valeur, elles prennent moins de risques, sont à la tête de petites entreprises et ne visent pas la croissance, etc.

Il est cependant à notre sens dangereux de tenir pour acquis ces constats sans chercher à regarder plus loin pour mieux comprendre les phénomènes. Deux problèmes se cachent derrière ces affirmations.

Un type idéal d’entrepreneur ?

D’une part, elles sont le reflet d’un stéréotype entrepreneurial mettant de l’avant « un » type idéal d’entrepreneuriat vers lequel toutes les personnes qui entreprennent devraient tendre. Un entrepreneuriat où tous sont portés par des objectifs de croissance, des ambitions internationales, et de plus en plus de richesse. Comme si tous les entrepreneurs devaient porter en eux la volonté, le souhait profond, de créer un « empire ». Le problème, c’est que cette image de l’entrepreneuriat est réductrice, trompeuse et non généralisée à l’ensemble des entrepreneures. Au fil du temps, les connaissances sur les entrepreneurs, leurs profils, leurs motivations et leurs comportements se sont affinées. On sait aujourd’hui que si certaines personnes sont portées par des ambitions et des idées de grandeur, ce n’est pas le cas de tous. Or, les entrepreneures ont été celles qui ont permis cette diversité de profils. Étudier les entrepreneures a permis de comprendre que plusieurs d’entre elles cherchent à se doter de meilleures conditions, à concilier plus aisément leurs responsabilités familiales et le travail, et qu’elles choisissent la voie de l’entrepreneuriat en réponse à un milieu de travail où elles étaient peu reconnues. Si les femmes ont permis cette diversité, il ne faut pas penser qu’elles sont les seules à avoir ce profil. S’intéresser aux entrepreneures, comprendre leurs parcours et considérer leurs réalités, c’est aussi permettre aux hommes qui ne cadrent pas dans le profil de l’entrepreneur stéréotypé de se retrouver, de se sentir concernés et considérés.

Discrimination dans les politiques d’accompagnement

Le deuxième problème associé à la vision de l’entrepreneuriat véhiculée dans nos sociétés réside dans le fait que cette image stéréotypée de l’entrepreneur, largement ancrée dans l’imaginaire collectif, se reflète inévitablement dans les politiques, les programmes de sensibilisation et de soutien… bref dans le système. Par conséquent, on se retrouve confronté à une discrimination systémique, aux effets très néfastes et très difficiles à enrayer. Par cet ouvrage, nous souhaitons porter un regard critique sur les mythes entourant les femmes entrepreneures. Notre objectif est, d’une part, d’approfondir ces croyances populaires pour les nuancer et permettre d’avoir une vision plus juste de la situation réelle. D’autre part, nous désirons faire des recommandations et suggérer des pistes d’actions concrètes pour contrer cette tendance aux stéréotypes et reconnaître une plus grande diversité, dans le but ultime d’accompagner et de soutenir de façon plus efficace les femmes, mais aussi l’ensemble des entrepreneurs.

Dix mythes liés aux femmes entrepreneures

Nous proposons ainsi de porter notre regard sur le système à travers dix mythes liés aux femmes entrepreneures. Notre réflexion est structurée en trois temps. Dans la première partie, nous proposons une réflexion autour de trois mythes liés au profil des individus se lançant dans l’aventure entrepreneuriale :

  • Mythe 1 : la motivation et les compétences suffisent à réussir ;
  • Mythe 2 : les sphères privée et professionnelle sont deux univers indépendants ;
  • Mythe 3 : il existe un modèle idéal d’entrepreneur.

Dans la deuxième partie, nous attaquons deux autres mythes en lien avec l’environnement dans lequel s’effectue la création d’entreprise :

  • Mythe 4 : tous les secteurs sont accessibles à toutes et à tous
  • Mythe 5 : le développement d’une entreprise est le même, peu importe le contexte

La troisième partie de l’ouvrage aborde la structure des entreprises créées à travers deux mythes :

  • Mythe 6 : les femmes prennent moins de risques que les hommes
  • Mythe 7 : les femmes dirigent des entreprises moins performantes que les hommes

Finalement, la dernière partie s’intéresse à la question du soutien et de l’accompagnement :

  • Mythe 8 : les femmes s’intéressent moins aux réseaux d’affaires
  • Mythe 9 : tous les entrepreneurs et entrepreneures ont des besoins similaires
  • Mythe 10 : les dispositifs d’accompagnement sont transférables à une diversité d’entrepreneurs et d’entrepreneures

Déconstruire les mythes pour mieux accompagner les entrepreneur.e.s

Déjà, l’exploration et l’analyse critique de ces mythes permettront, nous l’espérons, de présenter un portrait plus juste et réaliste de la situation des femmes entrepreneures. Mais, en plus de cet exercice, nous proposons, à la fin de chacune des quatre parties de l’ouvrage, des clés pour enrayer la discrimination systémique, de façon à offrir un soutien plus favorable et adapté à TOUS les entrepreneurs et à TOUTES les entrepreneures, hommes ou femmes. Vous ne trouverez donc pas ici les clés permettant aux femmes de devenir des entrepreneures à succès, performantes selon le modèle stéréotypé. Nous cherchons au contraire, par notre propos, à défaire ce stéréotype. Si les contextes de réflexion servant à étayer et à illustrer notre propos sont ceux du Québec et de la France, nous avons la prétention de penser que les principes sont applicables à l’ensemble des sociétés.


Tremblay M., Brière S., Poroli C. (dir). (2020), Déconstruire les mythes pour mieux accompagner une diversité d’entrepreneures, Québec : Canada, Presses de l’Université Laval (https://www.pulaval.com/produit/deconstruire-les-mythes-pour-mieux-accompagner-une-diversite-d-entrepreneures)

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