Être visible en ligne est devenu indispensable, notamment pour les entrepreneurs et les petites et moyennes entreprises (PME). Jean-Francois Detout, directeur scientifique du Mastère Spécialisé Manager Marketing Data et Commerce Electronique (MS MDCE) de SKEMA Business School, a mis au point une méthode pour les accompagner dans la prise en main de leur stratégie web en seulement 60 jours. Simple et sans jargon, pour les professionnels qui manquent de temps et de ressources. digital
Vous expliquez dans l’introduction de votre dernier livre, 60 jours pour dynamiser ma stratégie Web, que les managers ou entrepreneurs que vous avez aidés au cours de votre carrière avaient tous un point commun : le digital leur paraissait inaccessible, opaque, plein d’anglicismes…
Oui, il y a souvent un grand écart entre les agences très spécialisées, dont le jargon est fait d’anglicismes et qui ont la maîtrise technique et technologique, et un entrepreneur, un chef de projet ou un consultant, pour qui la marche est un peu haute. Mais quand on repart des fondamentaux du marketing, puis du marketing digital, on arrive à embarquer les gens. Il n’existait pas de livre guidé comme celui-ci qui permette de se réapproprier sa stratégie digitale en 60 jours ou 12 semaines. Ce livre les prend par la main, leur fait comprendre les diagnostics et quelles sont les étapes lisibles et pédagogiques du chemin à parcourir.
Comment expliquer ce fossé et donc cette incompréhension qui peut se créer entre les agences et leurs clients ?
Le premier facteur, c’est le fait que l’agence est spécialisée alors que le client, lui, est multi spécialisé : pour l’agence, c’est donc un métier ; pour le client, c’est un de ses métiers.
Ensuite, le vrai marketing digital est extrêmement récent (15 ou 20 ans) et évolue vite. Si je caricature, un client va mieux comprendre son comptable (il sait ce qu’est un bilan, par exemple) qu’un consultant ou une consultante en digital, car ce qu’il présente est nouveau, toujours en mouvement.
Enfin, il y a une sorte de résignation de la part du client : « je ne comprends pas tout, tant pis ». Quand vous formez des managers, vous arrivez à les embarquer : ils comprennent, sont impliqués, mais, à 17h, ils raccrochent et se remettent à travailler sur leur cœur de métier, alors qu’ils n’ont pas forcément besoin de tout maîtriser.
Ce livre, c’est donc une sorte de traducteur ou de complément de la relation client-agence ?
Exactement. C’est un dialogue théorie-pratique : des éléments théoriques, un exemple concret et une réponse à une question simple : « maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? »
Le client peut s’auto-former. Ce livre s’adresse au chef de projet, au manager, à l’entrepreneur, à l’intrapreneur… Mais il peut aussi aider les experts du marketing digital à mieux s’adresser à leurs clients et donc à gagner du temps grâce à une démarche itérative et lisible.
Quelle est la principale erreur que font généralement les PME, les très petites entreprises (TPE), les auto-entrepreneurs, qui veulent mettre en place leur stratégie Web ?
L’ennemi numéro 1, c’est l’allocation de temps et d’énergie extrêmement faible qui lui est consacrée au sein des PME. Elles agissent généralement par à-coups. Et cela tombe complètement à l’eau parce qu’elles ont d’autres priorités. En 15 ans de métier, la moitié de mes rendez-vous avec mes clients ont été reportés. C’est un indicateur. Le digital, comme la communication, est souvent mis en bas de la pile.
D’où l’idée de créer une routine accessible au quotidien…
Oui, c’est un peu comme se remettre au sport. Le plus dur, c’est de se lancer. Mais cette petite discipline est sécurisante mentalement. Dans le cas de sa stratégie web, soixante jours, si on travaille un jour par semaine, c’est environ une heure par semaine sur un peu plus d’un an. Ce n’est pas trop contraignant.
Vous accompagnez notamment vos lecteurs sur Google Ads, Linkedin Ads ou Instagram Ads, des plateformes pour faire la publicité de ses contenus. Mais n’y a-t-il pas un budget minimal pour se lancer ?
Non, justement. Il est même préférable de débuter avec de petits budgets et de faire de l’A/B testing pour identifier les meilleures stratégies à suivre. Mais là encore, la marche est parfois un peu haute pour se lancer seul ou seule : sur LinkedIn, par exemple, il existe six ou sept modes de publicité différents. Une fois que l’on maîtrise les bases, en revanche, l’outil est simple d’utilisation. Mais encore faut-il pouvoir interpréter les KPI qui en ressortent… Généralement, les managers et les entrepreneurs en font une bonne lecture quantitative, mais ont besoin d’aide pour les organiser : créer un tableau de bord efficace, et surtout qui amène à des actions, ne va pas forcément de soi.
L’un des freins à l’adoption d’une stratégie digitale peut être l’incertitude quant à sa véritable efficacité. Est-il vraiment possible de mesurer son impact réel, aujourd’hui ?
On fait, en effet, face à deux difficultés : la première est l’omnicanalité, les marques et clients évoluent dans un monde online (site, applis, réseaux…) et offline (magasins, salons…) : il est donc difficile de réconcilier la donnée pour comprendre le parcours client, puis adresser le bon message au bon moment, sur le bon canal. La deuxième difficulté est la gestion des cookies (ces fameux bandeaux qui compliquent notre navigation) : on a de moins en moins d’informations fiables sur les solutions Analytics. Le logiciel qui devient de plus en plus stratégique est donc le CRM.