Démarrer en start-ups, une alternative crédible aux grands groupes ?

Démarrer en start-ups, une alternative crédible aux grands groupes ?
Image générée avec Midjourney

Les grands groupes restent le choix privilégié de la majorité des étudiants à la sortie des écoles de commerce. Et si les start-ups étaient en réalité la meilleure option, pour certains d’entre eux ?

La majorité des étudiants d’écoles de commerce choisissent encore une voie professionnelle « classique » : travailler pour une entreprise du CAC 40. En effet, selon le dernier Baromètre Talents réalisé par le BCG et Ipsos pour la Conférence des Grandes Ecoles, 32 % des étudiants préfèrent travailler en premier pour un grand groupe contre seulement 8% qui choisiraient une petite entreprise, 7 % qui opteraient pour la création d’entreprise ou seulement 3% qui préfèrent les start-ups ! 

Ce choix des grands groupes est tout à fait respectable et il offre de nombreux avantages comme une reconnaissance sociale alliée au prestige d’une marque reconnue, de réelles perspectives d’évolution, la possibilité de réaliser une carrière dans de nombreux pays sans changer d’employeur, ou encore une stabilité (parfois apparente). Les grands groupes offrent également un certain confort en termes de salaire, d’équilibre vie professionnelle/vie privée et de niveaux de support d’une grande organisation.  


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Toutefois, il est indéniable que certaines personnalités vont vite se sentir à l’étroit ou noyées dans la masse, sous des procédures, des outils et des normes souvent peu flexibles. C’est peut-être en partie pour cela que, dans le même baromètre de la CGE, lorsque les Alumni sont interrogés la tendance s’inverse : ils ne sont plus que 17% à vouloir travailler pour un grand groupe, 14% souhaitent créer leur entreprise, 9% travailler pour une petite entreprise et toujours seulement 3 % pour une start-up.  

Les start-ups/scale-ups, ainsi que les PME-PMIS et les ETI, sont pourtant une alternative significative au monde des grands groupes. Envisager une carrière en lançant son entreprise ou en rejoignant ce type de structure présente de nombreux avantages. 

  1. La création d’entreprise, c’est tendance

Selon l’INSEE le nombre d’entreprises créées a presque doublé ces dix dernières années. Il est passé de 566 000 en 2013 à 1 051 000 en 2023.  

En valeur absolue, cette forte croissance a principalement été tirée par le régime des micro-entrepreneurs (créé en 2008). Cette forme juridique représente désormais environ 60 % des créations d’entreprises. Mais il est à noter que les sociétés, qui constituent environ 30% des créations d’entreprises, ont également doublé en dix ans. Lorsque l’on sait que selon la dernière étude URSSAF, le chiffre d’affaires (CA) trimestriel moyen d’un « auto-entrepreneur » est d’environ 5000 euros et que le CA annuel est plafonné, il est évident que ce statut peut recouvrir une forme de précarité de certaines activités (les coursiers, par exemple).

Toutefois, de nombreux jeunes entrepreneurs utilisent aussi ce statut pour pouvoir effectuer de manière simple, et parfois nomades, des missions de freelance dans des domaines d’expertises souvent liés au marketing digital. D’ailleurs, toujours selon l’INSEE, la part des micro-entrepreneurs de moins de 30 ans est passée d’environ 30% il y a 10 ans à 40% ces dernières années. Une étude d’Opinion way le confirme : 49 % des jeunes envisagent de créer leur entreprise contre « seulement » 24% de l’ensemble des Français. 

  1. Un moteur de l’économie 

Si les grandes entreprises sont souvent sur le devant de la scène médiatique, les start-ups/scale-ups, ETI, PME et micro-entreprises représentent 71% des emplois en France. Ce phénomène n’est pas limité à notre pays.  « Dans tous les pays, les PME ne sont pas uniquement des créatrices d’emplois, mais aussi des moteurs de la croissance économique et du développement social. Dans la plupart des pays de l’OCDE, elles contribuent pour plus de 50% au PIB, chiffre qui pourrait atteindre 70% selon certaines estimations. Cette contribution, qui varie selon les secteurs, est particulièrement élevée dans celui des services, où les PME représentent 60% du PIB, voire davantage, dans presque tous les pays de l’OCDE », rappelle l’Organisation internationale du Travail.

  1. Une part significative de l’emploi des jeunes cadres  

Au sein même de ce moteur de l’économie « les startup créent plus d’emplois que les autres entreprises ». Leur écosystème s’est d’ailleurs très fortement structuré ces dernières années sous l’impulsion d’acteurs tels que BpiFrance, La French Tech ou encore France Digitale et d’évènements majeurs comme VivaTech, ou plus récemment Change Now. 

Cette tendance de fond majeure a été constatée dans le monde entier si l’on se fie à un indicateur assez représentatif de ce type de structures que sont les fonds levés par des start-ups. A l’échelle mondiale, les montants levés étaient d’approximativement 100 milliards de dollars il y a dix ans. Ce montant, a avoisiné les 300 Milliards en 2023 selon Crunchbase.

Certes au niveau mondial, l’année 2023 marque un ralentissement très significatif par rapport à 2021 ou 2022 mais ce ralentissement a été nettement moins marqué en France où les levées de fonds réalisées en 2023 restent encore plus de deux fois plus importantes que celles de 2018 selon le dernier baromètre EY du capital risque en France. 


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Il est difficile de qualifier et d’isoler de manière très précise les start-ups dans l’Hexagone puisque « la notion de start-up échappe encore à une définition statistique consensuelle », selon les propres mots du Ministère de l’Economie.  Toutefois, Clara Chappaz, directrice de la French Tech en 2023, estimait que la France comptait à ce moment-là environ 25 000 start-ups qui employaient 1 million de personnes et avaient créé environ 35 000 emplois supplémentaires en 2022.

Le dernier baromètre sur la performance économique et sociale des startups et fonds de capital-risque français, publié par France Digitale et EY en septembre 2024, est un peu plus modeste sur le nombre de start-ups (15 000) mais confirme ces ordres de grandeur, tant pour les emplois en start-ups (1,1 million en 2023 et 1,3 millions en 2024) que pour les créations d’emplois attendues. En effet, si l’année 2024 a été exceptionnelle en termes de créations d’emplois (200 000 emplois créés), on peut attendre environ 40 000 nouveaux emplois dans ce secteur en 2025.

Il est intéressant de comparer ce chiffre aux recrutements de cadres dans le secteur privé dont la moyenne sur les 30 dernières années est inférieure à 200 000 recrutements par an toutes tranches d’âge confondues. Sachant qu’environ la moitié des postes en entreprise innovante sont des postes de cadre, et qu’environ la moitié des recrutements cadres concernent des diplômés de 0 à 5 ans d’expérience, on peut estimer que les start-ups peuvent représenter jusqu’à 15-20 % des recrutements de jeunes cadres en France.  


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Il est également intéressant de comparer ces 40 000 emplois aux 5000 à 6000 recrutements annuels de jeunes diplômés par les Big4, souvent présentés comme l’un des débouchés les plus importants, en termes de volume, après les grandes écoles. 

Enfin, on peut également relever que les scale-ups présentes dans la promotion 2024 du Next40/FT120 (qui représente les 120 startups les plus performantes et les plus prometteuses de France) ont cumulé plus de 10 milliards d’euros de CA en 2023. Cela représente presque un doublement par rapport à 2021 et il est à noter que ce chiffre est supérieur au CA de certaines sociétés du CAC 40 ! 

Un tel mouvement pourrait perdurer. Une étude a été récemment menée par le fond de capital-risque Redstone concernant l’efficacité des établissements d’enseignement supérieur en matière de création d’entreprises. Cette étude conclue que les seules universités pourraient créer 6,1 millions d’emplois en start-ups en Europe dans les dix prochaines années.   

  1. Des emplois pour les plus entreprenants

Travailler en start-up présente de nombreuses caractéristiques spécifiques qui rendent cette option extrêmement attrayante pour des personnalités ayant un tempérament entrepreneurial. On peut par exemple citer : le degré d’autonomie et de responsabilité (« un C-Level sur 3 a moins de 30 ans »), la prise d’initiative, la polyvalence des rôles, les évolutions de poste rapides, un environnement jeune (« 70% des personnes travaillant en start-up ont moins de 30 ans ») et informel, ou encore une possibilité d’être associé au capital.  

Mais ces emplois dans des entreprises qui révolutionnent parfois certains pans de la société ou bâtissent de nouvelles industries ne sont pas faits pour tout le monde. Les couples produits/marchés ne sont pas toujours finalisés, et nombre de start-ups pivotent et itèrent parfois pendant plusieurs mois (voire de nombreuses années si leur trésorerie le permet). Il faut donc disposer d’une certaine tolérance à l’incertitude, d’une réelle souplesse et savoir s’adapter. Or il se trouve que cette capacité d’adaptation et cette volonté de changement rapide dans un monde incertain résonne avec une part importante de la génération actuelle comme l’indique l’édition 2024 du baromètre Talents SKEMA X EY.


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Enfin, tout va vite dans une start-up. Il faut donc être structuré, concis et communiquer efficacement.   

La majorité des diplômés du MSc Entrepreneurship & Innovation, du MSc Entrepreneurship & Design for Sustainablity ou encore du MSc Entrepreneurship, Technology and Start-up Management de SKEMA Business School qui ont fait le choix de la création d’entreprise ou de l’univers des start-ups/scale-ups sont ravis, et ne reviendraient pour rien au monde dans une « mono-fonction » dans un groupe, où leur marge de manœuvre et leur possibilité d’impact sont insignifiantes. 

  1. Un préalable au lancement d’une entreprise 

Passer de la start-up à la création d’entreprise, ou inversement, est tout à fait possible. La start-up valorisera, souvent plus qu’un grand groupe, une expérience entrepreneuriale.  

Pour ceux qui ont des contraintes financières en sortie d’étude ou qui veulent tout simplement approfondir leurs connaissances, élargir leur réseau ou qui n’ont pas encore d’idée, rejoindre une start-up peut constituer un excellent tremplin vers l’entrepreneuriat. Les exemples les plus emblématiques de ce cas de figure sont sans doute les anciens de PayPal, dont les noms parlent pour eux-mêmes : Elon Musk, Peter Thiel, Reid Hoffman ou les co-fondateurs de Youtube et de 500 Global, étaient de la partie. 

Il serait malvenu d’opposer grands groupes et start-ups/scale-ups. Le choix optimum pour un jeune diplômé dépend avant tout de sa personnalité mais également de contraintes extrinsèques au moment où il fera ce choix. Mais pour ceux qui ont cette fibre entrepreneuriale, il existe désormais un écosystème significatif en France qui représente de solides opportunités de débouchés.  

Nicolas ServelDirecteur du MSc Entrepreneurship & Innovation, du MSc Entrepreneurship & Sustainable Design et du MSc Entrepreneurship, Technology & Startup Management, SKEMA Business School.

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